Désinfox / Les femmes subissent-elles plus de violences sexuelles dans un couple lesbien?
- Jude D.
- 19 nov. 2024
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 nov. 2024
La désinformation masculiniste a joué à plein régime à l'occasion d'un post-X du Figaro concernant l'étude « Contexte des sexualités en France » 2023 (CSF-2023) en déployant une de ses rhétoriques préférées: le dénigrement des lesbiennes et la trivialisation des luttes féministes contre les violences sexuelles subies par les femmes.
Nous avons souhaité rétablir les faits: Non, les femmes ne subissent pas plus de violences sexuelles dans un couple lesbien. Explications.

Les résultats de l'enquête « Contexte des sexualités en France » 2023 (CSF-2023) initiée et financée par l'ANRS et menée par des chercheuses de l’Inserm et de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en lien avec une équipe pluridisciplinaire dont l'objectif était d'étudier comment les transformations de la société française au cours des dernières décennies, tant sur le plan social et juridique, qu’économique et technologique, ont eu une incidence sur les représentations et les pratiques dans le domaine de la sexualité et de la santé sexuelle, ont été largement repris dans la presse nationale cette semaine.
Le Figaro a relayé cette étude sur le réseau social X en faisant le choix de mettre en exergue le fait que 53,1% des femmes homosexuelles aient déjà subi des violences sexuelles, ce qui les place devant les femmes hétérosexuelles en la matière.
Le Figaro reprend par ailleurs dans son article les éléments présents dans le dossier de presse de l'étude à savoir que "Les déclarations de violences sexuelles sont particulièrement élevées parmi les personnes ayant des partenaires de même sexe : 53,1% chez les femmes et 29,5% chez les hommes"

Sans avoir besoin d'être un spécialiste de la question des violences sexuelles et des violences intra-familiales, toute personne ne vivant pas dans une grotte, ne peut ignorer que les auteurs de l'écrasante majorité des crimes et délits en général et des crimes et délits sexuels en particulier, sont de sexe masculin.
C'est un fait acquis, largement connu, que corroborent absolument tous les chiffres officiels et la littérature en la matière (voir par exemple ci-dessous).

C'est pourquoi toutes les personnes dotées d'un minimum de bonne foi et de bon sens ont immédiatement déduit (ou eu au moins de sérieuses réserves) que ce chiffre de 53,1% de femmes homosexuelles ayant déjà subi des violences sexuelles, ne signifiait pas qu'elles avaient subi ces violences sexuelles dans le cadre d'un couple lesbien ou de la part de leur partenaire féminine - absolument aucune mention n'étant faite du sexe de l'auteur dans l'étude de référence - mais de violences subies au cours de leur vie, comme pour toutes les autres catégories de femmes mentionnées dans le tableau ci-dessous présent dans la même étude.

Une déduction qui s'inscrit en cohérence avec toutes les autres enquêtes de victimisation relatives aux violences sexuelles, sans parler des statistiques des condamnations pour crimes et délits sexuels.
Une analyse que nous a d'ailleurs confirmée Nathalie Bajos, Directrice de recherche à l'INSERM et Directrice d'études à l'EHESS, avec qui nous avons pris contact afin de lever la confusion entourant ces chiffres. Ainsi nous a t-elle expliqué que:
"Ces chiffres ne signifient pas que les femmes ayant eu des partenaires de même sexe aient subi ces violences sexuelles dans le cadre d'un couple lesbien ou de la part d'autres femmes : ces violences ont souvent lieu dans l'enfance et surtout, elles sont perpétrées dans l'immense majorité des cas par des hommes (de l'ordre de 95 % dans les travaux les plus récents)"
Nathalie Bajos nous a par ailleurs indiqué que ces données statistiques de l'enquête CSF seraient précisées dans leurs prochaines publications.
Ce post du Figaro a déclenché une vague de commentaires railleurs, misogynes, anti-féministes et lesbophobes de la part de personnes qui en ont tiré comme conclusion que les femmes étaient plus sujettes à subir des violences dans les couples lesbiens que dans les couples hétérosexuels...
Une conclusion complètement absurde à laquelle n'ont pu parvenir que des individus plus intéressés par le besoin de nourrir leurs biais de confirmation, que par une représentation fidèle de la réalité et l'exactitude des faits.
Je vous laisse apprécier ce florilège de réactions toutes plus consternantes les unes que les autres...













Ce post du Figaro qui aura été l'occasion d'observer un véritable cas d'école de désinformation masculiniste basée sur l'extrapolation et l'incompréhension d'une phrase extraite d'une étude que ces commentateurs du dimanche se sont bien gardés d'aller lire, tout comme sur leur méconnaissance totale du sujet et leur agenda anti-féministe.
Cela nous alerte également sur la responsabilité importante qui doit être celle des médias dans la manière avec laquelle ils rapportent l'information, la mettent en scène et la contextualisent; et la vigilance qui doit être la leur, notamment sur les réseaux sociaux, afin d'éviter que la communication du résultat d'une étude sérieuse ne devienne une occasion de plus de répandre des fausses informations qui portent atteinte à des populations particulièrement vulnérables en instrumentalisant des contresens.
Car là où l'étude "Contexte des Sexualités en France 2023" révèle justement que les femmes homosexuelles sont particulièrement exposées aux violences sexuelles au cours de leur vie, ce post du Figaro a eu comme effet contreproductif d'aboutir à une campagne de dénigrement visant précisément les lesbiennes, et les femmes féministes qui luttent contre les violences sexistes et sexuelles subies par les femmes... C'est le comble.
Les médias doivent être particulièrement vigilants afin de limiter la possibilité que ce genre de mécanique se reproduise et il conviendrait par exemple de publier un post avec des ajouts et précisions, quand il apparait que leurs publications sont manifestement instrumentalisées à des fins de désinformation et ce d'autant plus quand il s'agit d'attaques visant des populations vulnérables ou de propager des discours stigmatisants ou haineux.
POUR ALLER PLUS LOIN...
,
Commentaires