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Le féminicide étapes par étapes

  • Photo du rédacteur: Jude D.
    Jude D.
  • 26 sept. 2024
  • 4 min de lecture

Le féminicide est un crime particulier en ce qu'il est l'aboutissement ultime d'un schéma de fonctionnement patriarcal qui démarre avec la conviction d'un homme d'être le propriétaire de sa femme et d'être donc en droit de la contrôler et de disposer d'elle - et au final de sa vie.


Former tous les acteurs idoines de la société civile - et les femmes en général - à identifier la mécanique de crime afin qu'ils puissent identifier les femmes à risque et puissent les protéger efficacement, est un enjeu majeur pour la sécurité des femmes.


Ce dossier est un cas d’école à bien des égards…


1/ Ce cas nous offre une parfaite illustration de ce que nous explique Lundy Bancroft dans Pourquoi fait-il cela? Dans la tête des hommes contrôlants et maltraitants.


Un livre essentiel qui décrypte l’état d’esprit et le mode de fonctionnement des hommes violents et maltraitants.


Extrait de l’article de France Bleu
Extrait de l’article de France Bleu

Il nous explique que le problème des hommes violents ce n’est pas de ne pas savoir se contrôler, mais de vouloir contrôler leur femme.


Ce n’est pas de ne pas savoir contrôler leur colère ou leurs émotions mais de ne pas tolérer que les émotions et la colère de leur femme ait le droit de s’exprimer.


Extrait du livre Pourquoi fait-il ça? de L. Bancroft
Extrait du livre Pourquoi fait-il ça? de L. Bancroft

Cette phrase “Elle était énervée, j’ai voulu la freiner” que cet homme a prononcée lors de son procès, comme si elle pouvait servir à justifier son geste violent, est typique de la mentalité des agresseurs et illustre bien à quel point ils fonctionnent tous sur le même schéma.


Elle est également typique de la manière avec laquelle ils rendent la victime responsable de la violence qu’ils exercent contre elle et de leur incapacité à assumer la responsabilité de leurs actes.


2/ L’autre chose intéressante dans ce dossier, c’est le schéma de répétition qu’il nous donne à voir.


Nous sommes en présence d’un homme condamné pour le meurtre de son ex-femme, qui se retrouve à nouveau condamné pour des violences sur une nouvelle compagne.

Bien qu’il ait été condamné et que des mesures aient été prises afin de l’éloigner de sa victime, cette femme est en grand danger.


De même que ses éventuelles futures compagnes.


Jane Moncton Smith dans son livre In Control, Dangerous relationships and how they end in murder (non traduit), qui décrypte la mécanique des homicides conjugaux, explique que les homicides conjugaux sont les crimes les plus prévisibles au monde et les plus faciles à anticiper car ils suivent des étapes identifiées qui se déploient systématiquement selon le même processus.

La première des 8 étapes de l’échelle féminicidaire qu’elle a identifiée, consiste à avoir un passé de comportements contrôlants, violents, harcelants sur de précédentes compagnes.

Le fait d’avoir déjà tué une précédente compagne étant a fortiori un indicateur…


Extraits du livre In Control, Dangerous relationships and how they end in murder de Jane Moncton Smith
Extraits du livre In Control, Dangerous relationships and how they end in murder de Jane Moncton Smith

Dans le cadre de la prévention du risque de féminicide, ce constat doit nous amener à nous interroger sur la nécessité d’informer les femmes du passé violent de leurs partenaires.

Dans cette affaire la victime indique n’avoir pas été au courant que l’homme qu’elle fréquentait depuis quelques mois avait un casier judiciaire et avait été condamné pour le meurtre de son ex compagne (Dans un autre registre, la même question s’est posée pour Gisèle Pélicot qui était restée dans l’ignorance d’une précédente condamnation de son mari).

Voilà une information dont toute femme devrait disposer, afin que dès qu’elle débute une relation avec un homme avec un passif de violences, cela lui permette de savoir qu’elle se situe sur la première marche de l’échelle du féminicide et de surveiller de près la situation. Et pour qu’au moins elle s’engage en connaissance de cause.


Par ailleurs, le fait d’identifier cette mécanique et mettre en place les outils de prévention idoines doit être une priorité majeure.


Le fait que l’homme dont il est question dans l’article ait été immédiatement puni et mis en prison, et que l’acte violent ait été jugé à l’aune de sa condamnation antérieure est encourageant et va dans le bon sens.


Ce qui paraît évident, mais ne va pas forcément de soi, comme en témoigne la réaction de son avocate qui nous dit qu’il n’aurait jamais été jugé aussi sévèrement sans cette précédente condamnation, une vision que les magistrats auraient très bien pu partager il y a quelques années.


Or cette précédente condamnation est un indicateur capital qui indique que son comportement doit être particulièrement scruté et rester sous haute surveillance.


Les féminicides obéissent à une logique particulière, car les hommes qui les commettent suivent un schéma comportemental particulier qui se déploie de manière systématique.

On ne peut pas appliquer nos réflexes habituels “oui il a purgé sa peine” “il a droit à une seconde chance” à cette catégorie de meurtres. Il faut en avoir conscience.


Et toute l’organisation policière, judiciaire, pénitentiaire, à la fois préventive et répressive, concernant ces crimes doit être repensée et réorganisée en profondeur pour prendre en compte cette spécificité. Il n’y a qu’à ce prix que nous pourrons lutter efficacement contre les féminicides.


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