La rhétorique des "Daddy issues" qu'utilisent les mascus dès qu'une femme se plaint ou critique leur attitude ou les violences masculines en général, est une manipulation qui vise à faire diversion, à faire taire les femmes et à éviter aux hommes la nécessité de se remettre en question en leur permettant par ce biais de maintenir un statut quo qui les avantage.
L'obsession des mascus pour les pères des femmes en général et ceux des militantes féministes en particulier, est un grand classique masculiniste qui vient de la mascusphère américaine, notamment des PUA ou Pick Up Artist (coachs en séduction), les fameuses "Daddy issues".
Cette technique de manipulation par disqualification consiste, pour détourner l'attention du réel problème c'est-à-dire celui de l'oppression des femmes et disqualifier la colère légitime qui en découle, à imputer la démarche militante des femmes et leur colère justifiée, à un traumatisme personnel fantasmé.
Cette même technique de manipulation est utilisée par les hommes maltraitants et violents afin de détourner l'attention de leurs comportements abusifs, en attribuant les réactions légitimes de colère ou d'exaspération de leur compagne face à leurs comportements contrôlants, violents ou abusifs, à de supposés traumatismes passés liés à leur père ou à de précédentes relations.
Pourquoi fait-il cela? par Lundy Bancroft - Page 165 (Voir infra)
Pourquoi fait-il cela? par Lundy Bancroft - Page 146 (Voir infra)
Les mascus utilisent avec les femmes et les militantes féministes exactement les mêmes techniques de manipulation que les hommes violents avec leur compagne.
Un mot d'ordre - Rien n'est jamais de leur faute: Il trouve toujours quelque chose ou quelqu'un à blâmer pour tout ce qui va mal. Au fil du temps vous deviendrez de plus en plus souvent la cible de ses reproches Pourquoi fait-il cela? par Lundy Bancroft - P.140
Tout est systématiquement instrumentalisé pour dénigrer, reporter la faute et culpabiliser les femmes.
Et ce, même quand ce sont elles qui subissent la situation néfaste et/ou sont les seules à faire face à une situation problématique donnée et à assumer leurs responsabilités (comme par exemple dans le cas des mères cheffes de familles monoparentales).
Même l'inaction des hommes, leur incompétence, leur violence, est instrumentalisée contre les femmes et est présentée comme étant au final de la faute des femmes.
Ils sont dans l'incapacité de reconnaître aux hommes en général et à eux en particulier, la moindre responsabilité, ni de considérer qu'eux aussi ont des comptes à rendre.
Donc tout ce qui arrive aux femmes et je précise, tout et son contraire, est donc de la faute des femmes...
Elles sont victimes de violences, de la part d'hommes qui les exploitent: "il fallait mieux choisir", "les femmes sont des abruties", "en même temps si elles sortent dans la rue seules le soir"...
C'est d'ailleurs le point de départ de la discussion que j'avais avec ce mascu...
Ce charmant Monsieur a visiblement été vexé par la réponse que je lui ai faite où je le prend à son propre jeu.
Pire, si tout ce qui arrive et que les hommes font aux femmes est de la faute des femmes, par contre, tout ce qui arrive aux hommes... Est aussi de la faute des femmes (ou de la fatalité, les hommes ne sont au pire que les pauvres victimes de leur nature de mâle)...
Comme c'est pratique!
Ainsi, si les femmes sont célibataires à 40+, c'est de la faute au féminisme, à leur "bodycount" et à leurs ovaires défraîchis...
Par contre, si les hommes sont célibataires, c'est aussi de la faute des femmes qui n'aiment que les Bad boys et refusent les hommes bien ou qui sont "hypergames", autre concept misogyne et délirant que les mascus ont sorti de leur chapeau, selon lequel les femmes seraient toutes des croqueuses de diamants à la recherche d'hommes au portefeuille bien rembourré...
Selon eux, si une femme couche avec 100 hommes c'est une "pute", c'est la faute au féminisme qui détruit la société, mais si un homme couche avec 100 femmes c'est un mâle alpha, c'est la vie, c'est la testostérone, et c'est aussi à cause des femmes qui aiment les mâles dominants et sont "hypergames"... etc. etc.
Le deux poids, deux mesures: Le conjoint abusif impose un système dans lequel il est exempté des règles et principes qu'il vous impose. Par exemple, il peut occasionnellement avoir des liaisons avec d'autres femmes sous prétexte que "les hommes ont des besoins" mais le moindre coup d’œil à un autre homme fera de vous "une pute" à ses yeux. Pourquoi fait-il cela? par Lundy Bancroft - P.174/175
Ils ont là encore le même mode de fonctionnement que les hommes violents et maltraitants en couple qui passent leur temps à expliquer à leur victime qu'elle est responsable de la manière avec laquelle ils la traitent, de ce qu'elle subit et qu'au final tout est de sa faute et que c'est bien mérité.
Il n'a aucun compte à rendre: Le maltraiteur se considère au dessus de toute critique. Lorsque sa compagne tente d'exprimer de doléances, il dit qu'elle le "harcèle" et le "provoque". Il est convaincu d'avoir le droit d'ignorer les dommages qu'il cause et peut se montrer agressif lorsque que quelqu'un tente de les lui signaler. Pourquoi fait-il cela? par Lundy Bancroft - P.87
Le concept de"Daddy issues" en ce qu'il instrumentalise de soi-disant difficultés relationnelles que les femmes entretiendraient avec leur père (trivialisant et ridiculisant au passage les véritables violences qu'elles pourraient avoir subies de leur part et minimisant leurs conséquences traumatiques) afin de détourner l'attention de l'oppression patriarcale et des violences masculines subies par les femmes est un outil de "la propagande sexiste et anti-victimaire" que dénonce la Dr. Muriel Salmona dans la préface à l'édition française du livre "Pourquoi fait-il cela ? Dans l'esprit des conjoints violents et maltraitants" dans lequel Mr. Lundy Bancroft analyse les ressorts de la violence conjugale.
Une propagande qui "nie, minimise ou justifie les violences envers les femmes et les enfants, dédouane les hommes violents et responsabilise les victimes".
Une propagande qui a pour objectif de nous sidérer afin de détourner notre attention de la réalité des violences que nous subissons et de nous rendre plus tolérantes à celles-ci.
L'utilisation de cette rhéthorique des "Daddy issues" trouve sa correspondance dans de nombreux schémas comportementaux propres aux hommes violents qu'identifie Lundy Bancroft dans son ouvrage et qui ont été relevés dans le présent article.
Par ailleurs, ridiculiser les graves violences dont une femme pourrait avoir été victime dans son enfance et des conséquences qu'elles produisent sur sa vie à l'âge adulte, en se moquant de ses "Daddy issues" est une violence en soi, une manipulation qui est aussi fréquemment utilisée par les hommes violents contre leur compagne.
Il est capital que nous les femmes - et la société en général- sachions reconnaître ces modèles de fonctionnement et les identifier pour ce qu'ils sont: des stratégies de manipulation et d'enfumage, des outils d'oppression, bref de la violence masculine.
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