Depuis quelques années, l'idée de modifier la définition légale du viol pour y introduire la notion de consentement revient régulièrement comme un refrain entêtant.
Avec l'affaire #Mazan qui connait un retentissement sans précédent, cette idée effectue un retour en force et le nouveau Ministre de la Justice a annoncé qu'il était favorable à une évolution législative en ce sens dans le droit fil des annonces faites par le Président Emmanuel Macron il y a quelques mois.
C'est une très mauvaise idée qui n'aboutirait qu'à fragiliser encore plus les victimes.
Le "consentement" n'est pas du tout le concept novateur que l'on veut bien nous présenter.
Rappelons que la définition actuelle du viol qui est issue de la loi de 1980 est le fruit d'une évolution portée par les luttes féministes contre la précédente définition du viol qui reposait sur la notion de consentement et aboutissait à porter toute l'attention sur le comportement de la victime au lieu d'examiner celui de l'agresseur.
Faire reposer le viol sur la notion de consentement revient à adopter la stratégie de défense des accusés qui cherchent à se déresponsabiliser, à noyer le poisson et à détourner l'attention de ce que l'on devrait scruter et analyser: leur comportement, leur schéma de pensée, et les manœuvres qu'ils ont mises en place pour parvenir à leurs fins.
Il est plus que temps de replacer l'agresseur au centre des débats judiciaires et sociétaux concernant les violences sexistes et sexuelles.
Le viol, c'est un homme qui fait le CHOIX d'imposer un acte sexuel à une femme en utilisant différentes stratégies et manœuvres pour y parvenir.
Il est temps de se rappeler que c'est l'agresseur que l'on juge, pas la victime.
L'affaire #Mazan, qui aurait pu être l’occasion d'une vraie réflexion en profondeur sur la question des violences sexistes et sexuelles, leur origine, leur prévalence et leur banalité, le profil des agresseurs, leurs stratégies, le rôle de notre société patriarcale dans la perpétuation de la culture du viol, la prévention et l'accompagnement des victimes, et ainsi permettre d'amorcer un véritable changement de paradigme, est en train de se transformer en un cas d'école de mystification Patriarcale.
Alors qu'à la différence de nombreux autres dossiers, la qualité de victime de Madame Pélicot n'est pas discutée et offre difficilement matière à l'être on aurait pu espérer que le débat public puisse ENFIN se tourner vers de vrais sujets de fond, mais non, la thématique qui occupe le haut du pavé, alors qu'elle est hors sujet, c'est le "consentement" de la victime.
Oubliés les sujets qui auraient dû nous intéresser:
le rôle de la pornographie dans la culture du viol et le renforcement des représentations misogynes de la sexualité hommes-femmes
l'augmentation du sexisme et la libération de la parole misogyne dans l'espace public
la prévention des violences sexuelles et de leur récidive
la soumission chimique: comment la prévenir et former les femmes et les professionnels de santé à la repérer
le continuum des violences masculines pris notamment sous le prisme des violences sexistes et de l'inceste, très présent dans le cadre de ce dossier et pourtant invisibilisé
l'information des femmes quant au passé judiciaire des hommes avec qui elles entament une relation, mais également par rapport aux condamnations qui interviennent en cours de vie commune
Mais non, c'est le sujet du consentement qui parasite cette affaire et est sur toutes les lèvres.
Or, la violence sexuelle est un problème qui incombe entièrement à celui qui l'exerce.
Un viol, c'est le résultat d'un CHOIX fait par un homme: celui d'imposer à une femme une pénétration sexuelle ou un acte bucco-génital en utilisant pour y parvenir la violence, la contrainte, la menace ou la surprise.
Un viol est toujours le résultat d'une décision prise par un agresseur.
C'est l'agresseur que l'on juge, pas la victime.
C'est son comportement que l'on juge, pas celui de la victime.
Il est capital de le rappeler, de le marteler et de systématiquement ramener le sujet sur l'agresseur.
Il est impératif d'accepter enfin de voir le problème en face: les hommes qui violent font un choix basé sur un rapport risque/avantage et ils savent parfaitement ce qu'ils font.
S'imaginer que le problème vient du fait que les agresseurs n'ont pas compris le concept de "consentement" et qu'en conséquence il suffit de mieux leur expliquer, de les éduquer et que tout rentrera dans l'ordre avec un soupçon de bonne volonté et une pointe de pédagogie, représente une grave erreur de diagnostic qui empêche la mise en place de solutions réellement efficaces.
On ne viendra jamais à bout des violences sexuelles sans la mise en place d'un arsenal répressif dissuasif, qui ait la capacité d'imprimer une PEUR suffisamment profonde chez les agresseurs qui soit à même de leur faire renoncer à passer à l'acte, en détruisant leur sentiment d'impunité par la démonstration qu'ils auraient beaucoup plus à y perdre que ce qu'ils espèrent gagner de leurs comportement abusifs.
Avec actuellement seulement 1% des violeurs qui sont punis, nous sommes très loin d'un bilan susceptible d'être dissuasif.
N'oublions pas le rôle que joue la tolérance encore extrême de la société aux comportements inappropriés avec les femmes, en témoignent les minimisations abjectes auxquels les viols et agressions sexuelles sont encore sujettes régulièrement (propos du maire de Mazan, réactions au procès de N. Bedos avec des victimes tournées en dérision pour avoir porté plainte "pour si peu", affaire de la banderole sexiste des étudiants en médecine de l'Université de Tours etc.).
Nous n'arriverons à rien tant que tout un chacun n'aura pas compris qu'il ne sera plus toléré AUCUN manque de respect à la dignité et à l'humanité des femmes et tant que ce message ne sera pas relayé et placardé partout de manière massive, ferme et constante jusqu'à être profondément gravé dans les esprits.
Et ancrer un telle prise de conscience passe par une TOLÉRANCE ZÉRO aux comportements sexistes et à la parole misogyne.
Or les discours sexistes et misogynes prolifèrent et la haine anti-femmes s'exprime actuellement sans aucun frein.
Leur multiplication, leur renforcement et leur banalisation, démultipliées par la caisse de résonance que sont les réseaux sociaux et les possibilités offertes par les nouvelles technologies de l'information et de la communication, constitue un terreau pour les violences physiques, sexuelles et morales perpétrées contre les femmes.
Il est inadmissible qu'aujourd'hui dans notre pays, tout un pan du marché de l'influence en ligne soit composé de "coachs-influenceurs" dont le fonds de commerce est de vendre des contenus et des formations qui renforcent les stéréotypes sexistes nuisibles aux femmes et diffusent des propos insultants, méprisants, avilissants et dégradants à leur égard.
Le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, dans son rapport 2024 sur l'état du sexisme en France a tiré la sonnette d'alarme quant aux impacts délétères que cette augmentation du sexisme et de la misogynie avait sur les femmes et les filles et appelé de ses vœux l'adoption d'une loi globale pour aborder tous les aspects de cette problématique.
En tant que militante féministe, je suis moi-même tous les jours témoin de l'impact dévastateur des violences sexistes et sexuelles que nous subissons en tant que femmes.
Il est plus que temps que la haine misogyne et le sexisme puissent être pris en considération et punis avec la même sévérité que le sont le racisme, l'anti-sémitisme ou l'homophobie.
La lutte contre les violences sexistes et sexuelles doit devenir une des priorités majeures de notre société et le point de départ d'un contrat social rénové où les femmes pourront réellement prendre leur place pleine et entière.
Le 04 octobre dernier, un collectif d’organisations, de personnalités et de militantes féministes a appelé, dans une tribune, suite aux annonces faites par le nouveau Ministre de la Justice, à l'abandon du projet d'introduction de la notion de consentement dans la définition du viol et à la mise en place d'une loi-cadre intégrale contre les violences faites aux femmes et aux filles.
Je m'associe à cette tribune à laquelle je souscris en tous points et leur apporte mon entier soutien.
Nous ne viendrons à bout des violences sexistes et sexuelles que par le biais d'une approche globale et structurelle.
Il faut mettre en place une LOI-CADRE INTÉGRALE dédiée à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, et qui s'attaque à tous les aspects du continuum des violences subies par les femmes et les filles.
Une stratégie globale, qui aille de la lutte contre le sexisme et la misogynie dans laquelle elles s'enracinent, jusqu'au suivi en aval des auteurs de violences sexuelles afin d'éviter la récidive et prévenir les potentielles victimes de la dangerosité de certains profils.
Cela doit toutes nous mobiliser, avec une politique volontariste dotée de moyens substantiels et qui mobilise les institutions et la société civile de manière massive et persistante.
Il n'y a qu'à ce prix que nous pourrons avancer vers une solution efficiente et durable pour le bien-être et la sécurité de toutes les femmes.
Pour cela, nous avons besoin de votre soutien, alors à vos signatures et merci à toutes!
Avec toute ma sororité.
Jude D.
POUR ALLER PLUS LOIN
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