La notion de consentement, par sa nature contractuelle, accrédite l'idée patriarcale que la relation sexuelle est une transaction dont homme est le sujet et la femme l'objet. Ce faisant, elle participe à renforcer la culture du viol qui positionne la femme en tant qu'objet sexuel à la disposition des désirs et besoins autoproclamés des hommes et fait le lit des violences sexuelles qu'elle devait servir à mieux combattre.
Le constat ci-dessus est tout à fait juste. La notion de consentement par sa nature transactionnelle masque celle de désir et change la nature de ce que devrait être une relation sexuelle: un élan mutuel, fragile et furtif, entre deux sujets désirants.
L'une des raisons pour laquelle ce concept de "consentement" m'a toujours dérangée, c'est déjà que je trouve incongru de se poser la question en ces termes étranges : je ne me suis jamais demandé si je consentais à un acte sexuel ou pas, si j'étais d'accord ou pas pour avoir une relation sexuelle.
Je ressentais juste du désir ou non pour une personne à un instant T et agissais en fonction de cette envie.
Et en cas d'invitation au batifolage qui n'avait pas éveillé mon désir, je répondais que je n'en avais pas envie (expression d'un non-désir) et non que je n'étais pas d'accord (expression d'un non-consentement)...
Cette dernière formulation m'aurait semblé totalement incongrue voire franchement bizarre...
Une relation sexuelle répond pour moi à la satisfaction d'un désir, ce n'est pas une proposition contractuelle à laquelle je donne mon accord ou pas.
C'est une nuance importante, car on peut tout à fait être d'accord pour quelque chose que l'on ne désire pas, et ce, pour une multitude de raisons très différentes.
Eu égard à cela, le choix de faire de la notion de consentement l'alpha et l’oméga d'une relation sexuelle saine et équilibrée, et de cristalliser la question du viol autour de cette dernière, n'est pas du tout anodine.
L'une des autres raisons pour laquelle le concept de consentement ma toujours dérangée, c'est qu'il m'a toujours évoqué l'adage "l'Homme propose, la femme dispose"...
On pourrait dire de la même manière:
L'homme propose, la femme consent...
C'est l'acquiescement à une demande, pas l'expression d'une volonté.
La réponse à une proposition, pas un désir commun ou un élan mutuel.
L'acceptation d'une offre, comme dans un contrat.
Et cela en dit déjà très long sur notre vision des relations sexuelles.
Le contrat sexuel, Carole Pateman (1988)
Combien de femmes se forcent ? Se plient aux demandes de leurs partenaires ou les devancent ? Par convention, par peur d'être trompées, pour avoir la paix, pour être sympas, faire plaisir, car elles se sentent redevables... Combien ?
Combien de "relations" sexuelles ne sont que la résultante des injonctions subies par les femmes qui sont véhiculées par la culture de masse et fortement ancrées dans les mentalités, y compris chez les plus jeunes: la femme doit du sexe à son partenaire, car les hommes ont des besoins.
Le sexe est perçu par beaucoup comme une chose que l'homme fait à la femme, à son bénéfice à lui et pour son bon plaisir, et non quelque chose qu'il fait avec elle, pas un moment de partage et de plaisir mutuel et réciproque. Tout dans notre manière de parler du sexe renforce d'ailleurs cette idée, nous y reviendrons, et l'utilisation de la notion de "consentement" n'échappe pas à cette règle.
On pourra constater dans les quelques lignes - édifiantes - qui suivent, le cas que fait l'auteur pour le désir et le bien-être de la femme... Tout est centré autour de l'homme et de son plaisir et destiné à renforcer chez lui l'idée que sa femme lui doit du sexe et qu'il est normal et légitime d'exiger d'elle le retour à une activité sexuelle quand lui aura décidé que c'est le moment. La femme elle, n'a pas voix au chapitre...
Dans la même veine...
Ou encore...
Ou encore...
C'est comme cela que de nombreux hommes voient le sexe: un acte à leur bénéfice dans lequel ils utilisent une femme.
Eux, sont le sujet de désir et de plaisir, la femme n'est qu'un objet destiné à les assouvir.
Et de nombreuses femmes ont d'ailleurs parfaitement intériorisé cet état de fait, en témoigne l'exemple ci-dessous, qui se passe de commentaires...
"A chaque fois qu'on baisera je te devrai 20 dollars. Donc ton cadeau de Noël dépend de toi. LOL"
Notre plaisir à nous est par ailleurs totalement hors de l'horizon des préoccupations de ces hommes, ce que les femmes ont aussi, hélas, parfaitement intégré et intériorisé...
Il n'y a décidément que les femmes pour se poser ce genre de questions et offrir le genre de réponses résignées que l'on peut lire dans les commentaires, tout en n'étant pas le sexe dont la misère sexuelle occupe le centre de l'attention.
Ainsi, nombreuses sont les femmes à consentir à un rapport, sans le désirer, sans le vouloir, sans l'avoir initié. Sans aucune attente ni réelle perspective de plaisir. Mais parce qu'elles pensent que c'est un dû, pour faire plaisir, pour avoir la paix...
Tout comme on dit qu'une prostituée consent à un rapport qu'elle ne désire pas, pour des raisons purement pécuniaires.
Viol tarifé, nommons-nous d'ailleurs, à dessein, ce qui n'est en réalité qu'exploitation sexuelle d'une femme.
Légalement, ce n'est pas un viol, pourtant est-ce acceptable ?
La notion de "consentement" participe à normaliser cet état de fait en inscrivant les relations sexuelles sur le registre transactionnel.
Cette logique est d'ailleurs tellement bien intégrée dans l'esprit de certains qu'ils appellent de leurs vœux le développement du "bénévolat sexuel"...
Sous prétexte que les hommes auraient des "besoins", d'aucuns s'imaginent qu'il faudrait mettre en place de l'assistanat sexuel bénévole...
Donc que des femmes accepteraient de coucher avec des hommes parce que... On ne sait pas vraiment, sûrement car dans leurs cerveaux grillés par la misogynie, satisfaire sexuellement les hommes est la vocation ultime des femmes. Elles ont été crées pour cela.
L'un des objectifs principaux du Patriarcat ayant toujours été de garantir aux hommes un stock de femmes sexuellement disponibles H24, certains se prennent à rêver à des contingents de femmes volontaires à leur disposition et prêtes à coucher avec des inconnus sans aucun désir pour eux et sans autre but que de les satisfaire.
Les femmes, ces poupées gonflables grandeur nature...
Dites-vous qu'il faut vraiment prendre les femmes pour des abruties finies pour s'imaginer qu'elles n'ont que ça à faire de leur vie, d'offrir leurs faveurs sexuelles gratuitement à des incels misogynes qui les prennent pour des vide-couilles...
C'est dire l'idée que se font des femmes ce type de spécimens.
Dans la même veine, ces fameux incels, communauté masculiniste ultra misogyne composée d'hommes s'identifiant comme "célibataires involontaires" ont théorisé l'idée de lever un impôt sur les femmes célibataires dont les fonds perçus seraient utilisés pour fournir aux hommes des prostituées gratuites...
On pourrait s'imaginer que tout cela ne sont que les élucubrations de quelques zonards des réseaux, mais que nenni... Détrompez-vous.
Il suffit de faire un tour sur des forums dédiées aux jeunes hommes ou dans l'espace commentaires des nombreux influenceurs masculinistes et autres coachs en séduction, pour se rendre compte de la manière avec laquelle ces idées ont infusé auprès de la jeune génération, et continuent à perpétuer le cadre de pensée patriarcal.
Avec des effets très concrets, et inquiétants dans la réalité très réelle et tangible ainsi que le révèle le rapport 2024 sur l'état du sexisme en France, réalisé par le Haut commissariat à l'égalité hommes-femmes.
La culture du viol c'est cela: considérer les femmes comme des objets sexuels à la disposition des hommes.
Alors apparemment de moins en moins de femmes se forcent à avoir des relations sexuelles avec leur partenaire de vie, selon la dernière étude en date sur la sexualité des françaises et des français; mais c'est encore le cas pour beaucoup trop d'entre elles étant donné que plus de la moitié des femmes âgées de 18 à 49 ans déclarent consentir à des rapports sexuels sans en ressentir le désir.
C'est énorme. C'est triste. C'est révoltant.
Il est temps que la société, enfin surtout les femmes, se réveillent et se demandent pourquoi tant d'hommes, surtout ceux qui prétendent les aimer, ne sont pas dérangés par le fait d'avoir des "relations" sexuelles avec elles, des femmes qui n'en ont manifestement pas envie, et ce sans que ça les perturbe le moins du monde.
Pourquoi c'est complètement normalisé, pourquoi tout le monde n'en a cure du désir - et du plaisir - des femmes au point de résumer nos relations sexuelles au fait de "consentir" ou non à une proposition coïtale...
Là est la question. Et elle est essentielle car la sexualité est un des outils majeurs utilisé pour assujettir les femmes, nous contrôler et maintenir la domination masculine.
L'actualité judiciaire qui a projeté sur le devant de la scène l'affaire #Mazan où un homme, Dominique Pelicot, a jeté sa femme inerte en pâture à des dizaines d'hommes, qui se sont livrés sur elle à des actes sexuels "à son insu" - pour reprendre le nom du forum où il les recrutait - pendant qu'elle était inconsciente, donne un relief tout particulier à ces questionnements que j'appelais de mes vœux chez les femmes dans mon post-X du 14 mai dernier qui a servi de point de départ à cet article...
Comment tant d'hommes ont-ils pu aller en pleine nuit chez un autre homme pour utiliser sa femme inconsciente comme un objet sexuel, s'épouvantent nos chers compatriotes en rythme et en chœur ?
Comment un homme a t-il pu faire cela à sa femme après tant d'années de mariage?
Mais quoi d'étonnant quand on baigne dans une société imbibée de culture du viol qui tous les jours objective les femmes à travers les messages relayés inlassablement par les médias et la culture de masse, sans oublier l'influence de la pornographie, qui n'a rien arrangé ?
Quoi d'étonnant quand on constate que dans la mentalité générale, les femmes sont très largement considérées comme des objets de désir et non comme des sujets désirants.
Comme le réceptacle du désir des hommes.
Comme des objets à qui on fait quelque chose et non pas des personnes avec qui on partage une expérience intime mutuellement enrichissante.
Il suffit de voir le langage avilissant, dégradant, vulgaire et objectifiant que les hommes utilisent pour évoquer les relations sexuelles avec les femmes...
Je l'ai niquée, baisée, soulevée, serrée, démontée, défoncée, ramonée, bousillée, foudroyée, je lui ai cassé les pattes arrière, je lui ai pété le cul, je lui ai éclaté la rondelle, elle va passer à la casserole...
J'ai baisé cette nana: J' (Sujet) ai baisé (verbe) cette nana (complément d'objet)
J'ai démonté cette étagère : J' (Sujet) ai démonté (verbe) cette étagère (complément d'objet)
Nous avons baisé: Nous (Sujet) avons baisé (verbe) / (fait l'amour / couché ensemble)
Vous noterez que cette dernière tournure de phrase n'est bien évidemment pas possible à utiliser en ce qui concerne le démontage d'un meuble ou le défonçage d'une cloison...
Oui... Comment diable s'étonner que les hommes traitent les femmes comme des choses et les utilisent comme des objets inertes quand tous les jours, partout, ils se réfèrent à nous comme à des objets inertes dont on peut user et abuser...
Oui... Comment être surpris que les hommes maltraitent, méprisent, avilissent et abusent des femmes quand on laisse d'autres hommes gagner leur vie tranquillement en enseignant à d'autres hommes à les mépriser, en les faisant réciter en chœur lors d'ateliers de travail que"Toutes les femmes sont des putes"...
Pourquoi feindre de s'offusquer des effets quand on tolère sans sourciller les causes ?
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